Je n'arrive pas à le croire: je me suis tapée 12 heures d'avion pour me retrouver dans un pays ou il pleut autant qu'en Belgique! Les 30 degrés en moins, d'accord, mais ca reste de la pluie! Et ca n'arrête pas.
Enfin, bonne nouvelle, internet est rétabli. Non, vous ne m'avez pas manque du tout. Bon, ok, juste un petit peu. Mais c'est pas évident de se retrouver dans un pays étranger, loin de tout et de tout le monde (distribution de Kleenex)...
On est samedi et les enfants n'ont pas école. Les filles doivent préparer des examens qu'elles passent la semaine prochaine. Je vais voir la section des enfants handicapés, et seuls quelques-uns sont là. On reprend nos exercices de foot. Ils tapent de plus en plus fort, avec de plus en plus d'aisance et se ramassent beaucoup de ballons dans la figure. Euh...moi aussi d'ailleurs. Ca n'engendre que des rires. On répete les mouvements de lancer. Ca peut nous paraitre simple pour nous, personne valide. Mais quand votre corps ne répond pas à votre tête, c'est moins évident. Lorsque je leur envoie le ballon, ils ont tous un reflex retardé. La peur du ballon n'est pas là, mais les gestes d'attraper le ballon ne sont pas synchronisés avec le fait qu'ils réalisent que je vais leur lancer le ballon et qu'ils vont devoir serrer leur bras autour a un moment précis (on le fait avec les bras parce que prendre le ballon avec les mains est encore plus difficile). Ca les amuse, le ballon rebondit parterre, tape leur figure et ils le rattrapent. Et moi, ca m'épate ce qu'ils savent faire. Je ne suis pas professionnelle en la matiere alors tout geste réussi me surprend à chaque fois. Je n'ai jamais été confrontée à des enfants handicapes, en tout cas pas aussi longtemps donc j'apprends à les connaitre. Leur apprentissage est rapide. A les voir, impossible de s'en douter. Sincerement, même avec le plus récalcitrant, c'est assez incroyable comme ils enmagasinent vite.
On se fait aussi une séance de photo d'enfer. Ils apprennent trop vite à utiliser l'appareil. Le cadrage est nulle part mais qu'importe, on en rit bien. Les photos sont quasi toutes brouillees mais ils se reconnaissent et ils en sont fous de ce petit appareil qui les met en boite.
Ce qu'il y a d'intéressant avec les enfants handicapés, c'est qu'ils me font réaliser des choses trop souvent simples. Des notions, valeurs et principes, meme des vérites que je pensais avoir acquis et appliqués dans ma vie ont été remis en question à leur contact. Parfois sans que je ne le veuille vraiment. Non, on ne m'a pas fait un lavage de cerveau. J'ai été simplement confrontée à d'autres problemes, d'autres situations, d'autres réalites qui ne sortent pas, elles, d'un écran TV et auxquelles je n'aurais jamais pensé etre un jour confrontée. Et à cela, j'ai réagi, comme tout le monde l'aurait fait d'ailleurs, je ne suis pas une exception. Alors, je confronte ce que je vois avec mon propre petit vecu. Et quand je vois ces gosses rirent parce qu'ils ont réussi à prononcer HELLO ou à attraper un ballon aux termes d'effort surhumains pour eux, je cherche a savoir pourquoi moi, j'ai du mal à rire autant, à n'etre jamais satisfaite, à vouloir des choses inaccessibles sans regarder autour de moi ce qu'on m'offre déjà. Alors quand on me demandait mais pourquoi ce voyage. Et bien parce que tout cela. Ou en tout cas, en partie. Parce que ce n'est qu'une toute petite chose parmis tant d'autres que je vais ramener.
Je ne dit pas que ces jours à Hue, et même dans tout le Vietnam, et que ce voyage en solitaire m'ont changée (je rale toujours autant)! Je ne pense pas revenir en une autre Fab. Ce voyage me donne l'occasion de mieux me connaitre, et de grandir de l'interieur. En tout cas, c'est une expérience que je souhaite à tout le monde.
Revenons à nos moutons...Je me dirige surtout du côté des brebis galeuses après ma récréation avec nos footballeurs. C'est l'heure du repas et là encore, on va rigoler. Je ne m'engage pas trop à les nourrir parce que je sais que c'est un peu selon leur humeur du moment qu'ils se laissent nourrir par quelqu'un d'autre. Mais je reste avec eux. Parfois arrivant à insérer la cueillère de riz dans la bouche d'une qui est entrain de taper sur la tête d'une autre. Parfois on arrive aussi à négocier à la dure: je mange une bouchée de leur panade, et ils en mangent deux. Ou alors, ils me mettent dans la bouche des espèces d'épices salées qu'ils raffolent. A ce rythme, mon taux de cholesétrol ne va pas diminuer, même avec le thé vietnamien que Soeur Chantal essaie de me faire avaler chaque jour!
Pendant le repas, un groupe de touristes franco-belge arrivent à l'orphelinat. Ils sont accueillis par Soeur Chantal. Je me sens mal à l'aise tout d'un coup. Assisse entre les petits, je vois arriver des hommes et des femmes avec leur appareil photo et à moi, ca me fait peur. Les jeunes ont l'air d'avoir l'habitude. Et là, je me dis que quand, moi aussi, je joue au touriste et que je m'aventure quelque part, ou est passé mon respect de la vie de ces gens que je viens dérranger pour une photo? Je ne reste pas dans le coin, et je m'écarte du groupe mais je me fais aborder par une dame. Avec un air de pitié que je n'aime pas, elle me parle de ces "pauvres" enfants. Je me retiens de lui dire que ces enfants sont peut-être heureux dans cet orphelinat, même s'ils n'ont pas de PlayStation. Cet épisode me fait beaucoup réfléchir. Je pourrais dire que c'est ignoble d'accepter des groupes de touristes en visite, comme dans un zoo. Mais je comprends aussi que c'est comme cela que l'orphelinat survit. La fin justifie les moyens. Et les enfants ne semblent pas traumatisés, ils voient des personnes différentes d'eux, venant d'autres pays. Pourquoi pas alors?
Le soir, les pluies continuent à tomber ici. Les routes deviennent bientot impraticable dans le centre ville. Mais ca n'a pas l'air de trop perturber les motocyclistes qui continuent de rouler, même avec de l'eau jusqu'au genou. Les vietnamiens sont des leve-tot, et des couche-tard. A l'orphelinat, les soeurs et les jeunes filles se levent à 4h00 du matin, messe et taches quotidienne jusque 6h30 et puis ecole. Elles font quand même une courte sieste l'apres-midi et vont se coucher à 22h00. Tout est fait avec beaucoup de discipline, c'est la vie de communaute.